Djaïli Amadou Amal
Les impatientes

Un jour de fête au Cameroun. De beaux atours. La musique et les chants. Un rite de passage. Le déchirement. A pas feutrés, une nouvelle femme entre dans la concession. Cet espace entouré de très hauts murs abritent la villa de l’homme de la famille et les habitations des épouses. Les filles vivent avec leur mère, et les garçons acquièrent une chambre privé dès leur adolescence. La première épouse bénéficie souvent d’une grande considération mais doit aussi subir les humeurs de son mari, accueillir et guider avec déférence toute nouvelle épouse qui entre dans le foyer. Les épouses sont souvent nombreuses au sien d’une concession et l’harmonie n’est qu’une façade. La vie de ces femmes est dictée par la tradition. Pour elles, tout n’est que patience, discrétion et soumission.

“Patience, mes filles, Munyal!”

“A partir de maintenant, vous appartenez chacune à votre époux et vous lui devez la soumission totale.”

“Soyez pour lui une esclave et il vous sera captif.” “Que jamais son nez ne sente ce qui pue dans votre corps ou dans votre maison.”

Elles sont jeunes, belles, innocentes. Mais leur insouciance disparaît le jour où elles sont mariées de force à un homme plus âgé. On suit ici la vie de trois femmes. Ramla, plongée dans les études, rêve de devenir pharmacienne au grand dam des femmes de son entourage. Le mariage a peu d’attrait pour elle jusqu’au jour où elle rencontre Aminou. Mais les rêves de Ramla sont bien vite balayés et la voilà mariée à Alhajdi Issa, l’homme le plus important de la ville. Hindou, sa soeur, se voit contrainte d’épouser Moubarak, son cousin. D’emblée, elle vit dans la terreur. Violée, humiliée, violentée, elle ne trouve ni issue ni soutien dans cette vie imposée. “On dit que je suis folle.” “J’ai l’impression d’étouffer, de chercher en vain de l’air et de ne pas pouvoir respirer.” “J’ai envie de crier sans pouvoir ouvrir la bouche, de pleurer sans avoir de larmes, de dormir sans jamais me réveiller.” Safira, quant à elle, seule épouse d’Alhajdi jusqu’alors, voit sa vie transformée à l’arrivée de Ramla. Elle ne voit qu’une rivale dans cette jeune femme apeurée, et use de multiples subterfuges pour la déprécier. Mais malgré la jalousie, Safira entraperçoit la souffrance de Ramla et réalise qu’elles ne sont finalement toutes les deux que des victimes de ces traditions.

Dans ce livre, Djaïli Amadou Amal dénonce avec véhémence la violence faîte aux femmes. Pas de superflu ici, les mots s’enchaînent dans une certaine urgence. Et si le message est redondant, c’est sans doute parce qu’il est nécessaire d’insister. De marquer les esprits. D’inciter au changement. D’entrer en mouvement.

Les impatientes de Djaïli Amadou Amal, aux Editions Emmanuelle Collas, 240 pages.