Julia, alias “Turtle”, vit seule avec son père Martin dans une maison délabrée depuis la disparition de sa mère. La maison est fonctionnelle mais délaissée, et la nature, tant que possible, occupe l’espace de ci de là. “La vieille maison est tapie sur la colline, avec sa peinture blanche écaillée, ses baies vitrées, ses frêles balustrades en bois envahies de sumac vénéneux et de rosiers grimpants. L’allée de graviers est jonchée de douilles vides…”
Martin l’éduque en fait d’une façon un peu particulière. Avant toute chose, Julia doit apprendre à se défendre et savoir manier les armes à la perfection. Comme Julia est particulièrement douée, Martin “s’amuse” à pousser les limites toujours plus loin. L’apprentissage à l’école est pour Julia plus laborieux. Elle n’est pas attentive et facilement distraite. “Dehors, le terrain de sport battu par le vent est constellé de flaques, le fossé creusé dans l’argile couleur cendre est inondé; plus loin encore l’orée de la forêt.” Souvent à l’écart, elle se méfie de tout le monde. Anna, son enseignante, sent que quelque chose ne tourne pas rond mais Julia est défiante et ne dévoile jamais rien de vie privée.
Plus que tout Julia veut s’échapper de ce quotidien qui la mine, de cet univers étriqué et hostile. Elle souhaite pouvoir vivre un jour loin de ce père possessif et abusif qu’elle adore et déteste à la fois.”Le vent agite ses longs cheveux autour de son grand et beau visage, ses épaules sont plus larges et il est plus immense que jamais.”
Quand Julia rencontre Jacob, elle entrevoit une lueur d’espoir à l’horizon. L’espoir d’une vie meilleure. Mais chaque pas qui l’éloigne de son père est toujours lourd de conséquences.
“La folle avoine se dresse, ses panicules arquées et ses épillets se balancent doucement. Bientôt, elle le sait, le chiendent envahira le pré.”
C’est un livre dont on ne peut se détacher et qui brûle les doigts à la fois. Turtle est grande et si petite, forte et si vulnérable à la fois. Son père est un ogre, un être malfaisant à qui je ne trouve pas de circonstances atténuantes. Et pourtant les liens du sang sont forts. La nature est, quant à elle, belle dans son désordre, sauvage et omniprésente. On sent l’humidité, le vent qui souffle, la terre qui colle aux pieds. Un roman saisissant.
Absolute Darling de Gabriel Tallent, Editions Gallmeister, 465 pages.