Mesha Maren
Sugar Run

Sélection Grand Prix des Lectrices ELLE 2020 – jury de mars.

Jodi sort de prison après 20 longues années de détention. Hébétée, et désoeuvrée, elle redécouvre le monde avec une certaine léthargie, un sentiment de liberté dont elle ne sait trop quoi faire. Elle va tout de même reprendre le fil de sa vie, s’imaginer un après et se reconstruire en suivant des objectifs très précis. Elle embarque dans son histoire une femme paumée, Miranda, ses trois enfants et Ricky. Miranda est belle, blonde et dégage une agréable odeur de pomme. Elle erre dans la vie, parfois inconséquente, souvent dépendante de petites pilules magiques. Jodi tombe amoureuse d’elle, de sa fraîcheur et sa façon d’être à l’aise en toutes circonstances (ou presque). Ricky, lui, est le petit frère désoeuvré de Paula, le grand d’amour de Jodi avec qui elle imaginait passer sa vie. Jusqu’au moment tragique qui a fait basculer la vie de Paula et de Jodi. Pour tous, la petite cabane bancale de la grand-mère de Jodi va constituer un nouveau départ. Toutefois, revenue sur son lieu d’enfance, Jodi va vite s’apercevoir que les gens / les mentalités n’ont pas beaucoup changé, et qu’il va lui falloir du courage et de l’énergie pour mener à bien son projet. Ici-bas les obstacles sont nombreux, les entourloupes faciles et les gens tourmentés.

Dans une atmosphère souvent pesante, humide et chaude, les personnages se démènent pour vivre un tant soit peu la vie dont ils rêvent. Mais rien n’est facile. La torpeur est bien là et souvent provoquée. Malgré des bonnes intentions, tout semble mener à certaine fatalité. Mesha Maren déverse ici sur nous un capharnaüm d’émotions et de sensations. On devient son personnage. Souvent étourdis par la chaleur, on a la sensation des cheveux collés à la nuque, et parfois quand il pleut, on entend distinctement les gouttes marteler le toit précaire de la cabane de Jodi. Un récit captivant, touchant et d’une lenteur souvent délectable. Une très belle histoire de vies, de femmes aussi.

Sugar Run de Mesha Maren, Editions Gallmeister, 381 pages.